Et si la réussite d’une entreprise et son développement passaient par la responsabilité individuelle de ses salariés ?

Essayez donc de taper dans le moteur de recherches de votre choix ces deux mots « entreprise » + « responsabilité » et constatez le résultat. Vous êtes spontanément dirigés vers des sites à dominante juridique et assurantiel évoquant le statut de l’entrepreneur et sa responsabilité civile et pénale. L’entrepreneur doit répondre des conséquences des actes qu’il engage dans l’exercice de ses fonctions. C’est d’ailleurs ce que suggère la racine latine du terme « responsabilité » : respondere. Il s’agit de « répondre de », « de se porter garant de ».
Une deuxième lecture de la racine latine est également possible si l’on découpe le mot en deux avec « res », désignant « les choses » et « pondere », signifiant « mesurer, peser ». Dès lors, il s’agit non seulement de répondre de ses actes mais aussi d’en mesurer les conséquences AVANT d’agir. Cela ne concerne pas seulement l’entrepreneur mais plus largement ceux qui agissent dans et pour l’entreprise.

La moindre parcelle d’intelligence

En entreprise donc – et nous nous cantonnerons à ce terrain-là -, chacun devrait pouvoir exercer sa responsabilité individuelle. Est-ce le cas ? De quoi cela dépend-il ? Assurément ni d’un quelconque niveau d’instruction ou d’intelligence. Plus sûrement d’une réflexion sur soi, d’une « mise en permission ». Selon moi, la responsabilité individuelle d’un salarié, quelle que soit sa place dans l’organigramme, est en lien avec sa capacité d’agir et donc sa liberté. Confronté à une hiérarchie très verticale, cet ouvrier issu du secteur de la Métallurgie, dont le père et le grand-père étaient eux-mêmes ouvriers, a toujours été considéré comme un simple exécutant. Il ne lui était pas demandé de réfléchir à la manière dont il pourrait produire autrement et plus rapidement une pièce, il lui était juste demandé de produire. En bref, le modèle taylorien par excellence, celui-là même qui aurait inspiré à l’industriel japonais Konosuke Matsushita cette critique à l’endroit du monde occidental : « Pour vous, l’essence d’une bonne gestion consiste à faire jaillir les idées de la tête des patrons et à les faire exécuter par les ouvriers. Nous avons dépassé le modèle de Taylor. Le monde économique […] est devenu si complexe et si difficile, la survie des entreprises si périlleuse et si pleine de dangers qu’elle exige la mobilisation au jour le jour de la moindre parcelle d’intelligence ».

Capacité d’imaginer et d’être créatif

Dans ce contexte, en quoi consiste « la mobilisation au jour le jour de la moindre parcelle d’intelligence » si ce n’est permettre aux salariés d’exercer leur responsabilité individuelle en considérant qu’ils connaissent leur métier, qu’ils sont eux aussi des « sachants » dotés de compétences, capables de réfléchir et pas seulement d’agir. J’imagine déjà les cris d’orfraie de certains dirigeants d’entreprise à la lecture de cet article par trop « révolutionnaire ».
À la révolution, je préfère l’évolution car oui, le monde a changé et il n’est plus possible selon moi de continuer à considérer les salariés, quel que soit leur poste, comme de simples exécutants. Et les GAFA – Google, Amazon, Facebook et Alibaba – l’ont bien compris qui laissent le champ libre à leurs salariés, allant jusqu’à leur apporter un maximum de services liés à leur vie personnelle au sein même de l’entreprise, pour mieux tirer parti d’eux. Libres de réfléchir, libres de tester, libres de se tromper. Jusqu’à l’outrance ! Ne soyons pas dupes quant au dessein de ces entreprises sur lesquelles il y aurait sans doute à redire. Il est également primordial de laisser aussi aux salariés ce temps d’aération personnelle indispensable pour se régénérer, conserver la motivation, la capacité d’imaginer et d’être créatif.

Formidable levier

Sans tomber dans l’excès dans lequel sont tombées les GAFA, les entreprises en France seraient bien inspirées de tendre vers ce modèle. En effet, que fait le manager en laissant ses équipes réfléchir et prendre des décisions en ce qui concerne leur métier et la manière de le faire in fine ? Il leur donne de la reconnaissance, un formidable levier pour motiver les salariés. C’est aussi un élément de stimulation, indispensable pour tout être humain. Tout cela doit bien évidemment s’inscrire dans un cadre, avec une vision à long terme et des objectifs à plus court terme dont on s’assurera qu’ils ont été compris et qu’ils sont partagés. Restera au manager à guider l’ensemble, à faire des points d’étape pour consolider l’avancement, à vérifier que tout le monde suit, à apporter, en concertation, des correctifs si nécessaire, à former ceux qui en ont besoin. La tâche est assurément ardue mais elle en vaut la peine et les succès sont plus beaux lorsqu’ils sont partagés à plusieurs.

Jacques Paillard
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