L’organisation en mode réseau : Efficace à condition de changer notre façon d’être en relation

Depuis l’avènement d’Internet et l’explosion des réseaux sociaux en tout genre, qu’ils soient récréatifs ou professionnels, beaucoup se sont découverts ce qu’ils appellent des « amis » ou des relations. Un tel système s’est naturellement déplacé vers l’entreprise qui, à son tour, tente de travailler en mode réseau. Mais est-ce bien la même chose ? Quels liens unissent leurs membres ? Et d’ailleurs, sont-ce des liens ou des relations ? Quelles en sont les exigences ?

Pas un jour sans qu’on ne parle de réseaux sociaux, qui à la radio, qui dans la presse écrite ou à la télévision, qui sur la toile ! Une tentative de définition s’impose cependant. Un réseau est un ensemble de liens ou de liaisons. La vertu d’un réseau d’autoroutes, de chemins de fer, de communication est d’abord d’assurer des liaisons. Celles-ci peuvent être utiles c’est-à-dire utilisées ou inutiles c’est-à-dire non utilisées. Le lien existe mais il peut être inactif. Dans ce cas, le réseau permet de voyager d’un point à un autre selon les désirs de destination.

Un réseau est aussi un ensemble de personnes ayant un lien entre elles. Ce lien peut être actif ou simplement en sommeil. Ce qui importe ici, c’est l’existence du lien. Ce dernier est motivé par un objet, un motif. Dans le cas des réseaux sociaux, une personne invite une autre personne à s’inscrire dans son cercle de contacts. Dans ce cas, le réseau n’a pas d’existence propre. C’est l’adhésion à une initiative qui rend les liens actifs et crée une dynamique. Chaque personne en contact est libre de ses mouvements, libre de s’inscrire dans une conversation ou pas, libre de proposer ou de participer à une action. Il y a bien une dynamique mais pas de groupe. Telle était hier la vertu du « carnet d’adresses ».

Absence apparente de subordination

Et dans le cas d’une organisation c’est-à-dire d’un groupe constitué ?
Ici, il faut parler d’un fonctionnement en réseau car chaque membre est un maillon qui n’est pas libre mais doit assurer une part de réalisation de l’objet ou du motif de l’organisation. Dans ce cas, le réseau a une existence propre, une existence morale. Il y a répartition de responsabilités. Une organisation qui fonctionne en mode réseau cherche donc à faire porter la dynamique de son fonctionnement par chacun de ses membres et ouvrir ainsi les frontières de ses fonctionnalités. Les clients, fournisseurs, collaborateurs, actionnaires font tous partie intégrante du réseau. Pour assurer pleinement sa responsabilité, chaque membre de l’organisation est libre de créer les liens qui lui sont utiles ou intéressants, de créer ou saisir les initiatives, les offres que le réseau entreprise propose et/ou permet et qui répond en général au cadre de mission des membres.
Un réseau se caractérise donc par l’absence apparente de subordination entre ses membres. La dynamique repose sur l’initiative des membres entre eux et à partir d’une adhésion spontanée, l’activité semble se générer à partir de la mobilité et de la disponibilité des informations. L’absence de subordination est-elle si certaine cependant ?

Asservie ou subordonnée ?

Si le réseau a pour essence des relations de coopération et non de subordination, étudier sa réalité semble opportun car il est difficile de prétendre à l’absence de subordination lorsqu’un ensemble de personnes s’unissent pour parvenir à un but. Ainsi, dans toute relation, dès lors qu’il y a un lien actif, c’est qu’il y a échange, donc troc et mise en œuvre d’une relation de dépendance ou d’interdépendance. L’absence de subordination signera la relation d’interdépendance, la mise en place d’une relation fonctionnelle, sans domination de l’une des parties sur l’autre. Pour que la relation fonctionnelle ainsi créée tienne sa promesse, il doit y avoir un intérêt supérieur qui asservit chacun au respect des actes à produire. Cet intérêt supérieur est inscrit dans l’adhésion, l’engagement des parties. Sans qu’il y ait soumission de l’un à l’autre, il y a bien asservissement, attachement de l’un envers l’autre durant l’adhésion à l’objet de la relation. Dans ce cas, nous sommes plus, semble-t-il, dans une relation asservie que dans une relation subordonnée.

Coopération et pas seulement collaboration

Ainsi, dans une relation fonctionnelle, on SE soumet mais on n’est pas soumis, on SE contraint sans être contraint. Les parties restent souveraines, tout en étant asservies par leur adhésion à un intérêt commun à servir. Encore faut-il que l’intérêt supérieur soit clairement exposé, explicité et partagé et que l’on sache être en relation fonctionnelle c’est-à-dire dans une relation qui favorise la coopération et pas seulement la collaboration.
Sans doute est-ce là le défi qu’ont déjà à affronter les organisations. Comme l’explique Eloi Laurent dans son livre L’impasse collaborative, la coopération demande un niveau de maturité élevé car elle présuppose plusieurs partages : celui de la création, de la conception (structure), de l’organisation (rôles) et enfin de l’exécution.

Patrick Devliegher
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