Lâcher-prise : les adeptes de la méditation de pleine conscience, de la sophrologie et plus globalement des techniques de développement personnel connaissent bien ce mot. Pour une grande partie de la population, il reste encore quelque peu abscons. Dans l’entreprise, le lâcher-prise semble vouloir faire sa place. Mais l’entreprise est-elle bien le lieu du lâcher-prise alors même que la concurrence est rude, que tout va plus vite et qu’il s’agit d’être sur la brèche en permanence pour ne rater aucune opportunité.
Et si le lâcher-prise du dirigeant était un levier au service de la performance de l’entreprise et de la réussite de ses salariés ?
Lâcher-prise… rien que le mot mérite attention et réflexion. Lâcher la prise, lâcher ce qui est pris. Mais dans ce cas, cela n’équivaut-il pas à « laisser tomber », « abandonner », « se désintéresser ». Replacée dans le contexte de l’entreprise, cette posture n’est-elle pas aux antipodes de celle du dirigeant dont la mission est de développer son entreprise dans un environnement polymorphe ?
En réalité, le lâcher-prise est à l’opposé du laisser-aller et de la passivité. Car le lâcher-prise consiste à accueillir les situations qui se présentent à nous telles qu’elles sont, en ayant les deux pieds solidement ancrés dans la réalité, dans l’ici et maintenant. Sans projection. Sans nous laisser influencer par un jugement et/ou des émotions négatives. Ce faisant, nous sommes dans l’action et rendons alors possible l’émergence de solutions ajustées, efficientes. Nous exerçons notre pleine responsabilité. Responsabilité de nos décisions et de nos actes et des conséquences de ceux-ci.
Le lâcher-prise est un état d’esprit qui se cultive
Lâcher-prise c’est aussi se défaire du fantasme de toute puissance, de cette croyance que nous avons le pouvoir de tout changer – et de tout contrôler – y compris ce qui ne dépend pas de nous. Abandonner cette posture permet d’avancer vers autre chose, d’investir son énergie de réflexion et d’action à un autre endroit, plus approprié et de manière ciblée. Loin d’être un acte de résignation, le lâcher-prise est un acte de confiance en ce qui est, qui révèle notre leadership authentique pour emmener avec nous les acteurs de l’entreprise, dans une interdépendance riche et constructive.
Mais comment faire concrètement pour mettre en œuvre ce lâcher-prise qui apparaît souvent contre-nature aux yeux des dirigeants ? En s’entraînant ! Encore et encore car le lâcher-prise ne se décrète pas. C’est un état d’esprit qui se cultive. Le plus souvent en étant accompagné, qui par un coach, qui par un thérapeute, qui par un sophrologue.
Travail de décentrage
L’objectif, par des prises de conscience d’abord puis par des entraînements, est d’acquérir la capacité à prendre le recul nécessaire pour aborder et lire les situations problématiques du quotidien d’une autre manière et se donner ainsi la possibilité de percevoir les interprétations erronées qu’on en fait. C’est aussi se donner des permissions régulières – comme un rituel, un rendez-vous avec soi – comme celles de s’accorder des pauses, des moments de prises de recul, de déconnexion avec l’urgence du quotidien. L’entreprise bénéficiera directement de ces moments de relâche.
N’avez-vous jamais remarqué ? Lorsque l’on cesse de se focaliser sur ce qui est presque devenu une obsession, les choses se dénouent, les solutions – souvent les plus créatives – émergent. Ce travail de décentrage, qui laisse un temps l’ego de côté, favorise des prises de conscience concernant ses propres attitudes, fonctionnement, processus de pensée et d’action et permet ainsi de prendre sa part de responsabilité et de « corriger » ce qui peut l’être dans les relations et/ou situations problématiques. À sa manière, Jack Kornfield, moine bouddhiste américain, nous le rappelle : « C’est quand on arrête de résister et de repousser que cela permet aux choses de se débloquer, de se délier, pour libérer le cœur, pour que le cœur et l’esprit s’ouvrent vraiment ».