Concept mis en mots et en théorie aux XXe et XXIesiècle, le management semble se réinventer à chaque fois que les résultats de l’entreprise ne sont pas conformes à ceux attendus. Avec, entre autres conséquences, un retour à un management plus cadré, une restriction de budget et une incompréhension des équipes. Et si nous cessions de réinventer pour nous focaliser sur le temps du management, le temps de la relation de travail, du cycle professionnel ?
A chaque époque ses caractéristiques. Vers la fin du XIXeet plus encore au XXe siècle, dans le monde de l’entreprise, le management a occupé nombre de théoriciens, depuis Taylor et son organisation scientifique du travail à l’entreprise libérée en passant par Max Weber et la bureaucratie, Mary Parker Follet et le management respectueux de tous les collaborateurs ou encore, et plus près de l’époque actuelle, le management participatif de Peter Drucker. D’année en année, le management est réinventé. Comme la mode qui, ne l’oublions pas, ne fait que remettre au goût du jour des modèles qui ont existé.
Objectif commun à toutes ses théories : faire en sorte que les résultats de l’entreprise soient au rendez-vous et à la hauteur des attendus. Les variantes sont dans l’organisation du travail et la manière dont on considère les salariés.
D’un extrême à l’autre
Bien sûr, lorsque les résultats sont là, conformes aux attentes, il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause la théorie managériale en place. C’est moins vrai lorsque le système se grippe. Dès lors, la tentation est grande de réinventer une théorie managériale plus contrainte dans laquelle les plans d’actions seraient serrés et les marges de manœuvre limitées. Une théorie managériale dans laquelle les salariés porteraient plus souvent leur casquette de « bon petit soldat » plutôt que celle de salarié « libéré » au sens de l’entreprise « libérée ». Un mouvement de pendule qui oscille d’un extrême à l’autre donc, entraînant le plus souvent incompréhension, démotivation voire souffrance et bien sûr abandon de projets jugés non stratégiques pour l’entreprise et restriction de budget dans tous les domaines. Sans vouloir généraliser, c’est en tous les cas ce que je constate dans les entreprises dans lesquelles j’interviens. Quant aux résultats, pas sûr que la marche arrière managériale ait un quelconque effet sur ces derniers. Sans doute serait-il utile alors, plutôt que de tenter d’inventer une nouvelle théorie – les étals des librairies croulent d’ouvrages sur le management dernier cri- de se souvenir de celle de Paul Hersey et Kenneth Blanchard.
Leadership et maturité
Pour mémoire, ces deux compères ont développé dans les années 70 et 80 l’approche du leadership situationnel. Leur propos est le suivant : il n’existe pas de leadership-type, juste un leadership adapté à la situation. Adapté à quoi ? À la maturité de la personne ou du groupe à manager. Reste à savoir comment déterminer la maturité de ladite personne ou dudit groupe. Pour Hersey et Blanchard, il suffit de se poser deux questions. La première se situe à un niveau technique : « cette personne ou ce groupe a-t-elle / a-t-il les compétences, les connaissances et l’expérience nécessaires pour réaliser la mission qui lui est demandée ? ». La seconde est d’ordre relationnel : « cette personne ou ce groupe a-t-elle / a-t-il la motivation et la confiance en elle / en lui nécessaires ? ». C’est en croisant ces deux critères que le niveau de maturité de la personne ou du groupe émerge selon Paul Hersey et Kenneth Blanchard. Un croisement qui donne alors lieu à quatre styles de leadership différents, du directif au délégatif en passant par le persuasif et le participatif. Ce dernier contenant, si on veut bien y réfléchir deux minutes, l’entreprise libérée !
Donner un rythme à la relation de travail
En fonction des personnes qu’il aura en face de lui, le leader travaillera donc selon deux axes : il agira sur un plan technique afin de développer les compétences et/ou il travaillera sur la relation pour améliorer la confiance. Deux axes qui mèneront peu à peu vers l’autonomie des personnes et des équipes. Vieux d’environ 45 ans, le modèle de leadership relationnel présente, selon moi, un grand avantage : celui de donner un rythme à la relation de travail en entreprise car calqué sur le cycle de vie professionnel du leader et de la personne ou des équipes à manager. Et c’est sans doute là l’exigence du modèle dans un environnement « en accélération permanente », alors même que le décompte des minutes et des heures, lui, ne change pas. Il s’agit en effet de prendre le temps de créer les conditions d’une relation professionnelle dans laquelle les objectifs globaux de l’entreprise seront réaffirmés – gagner de l’argent, soyons clairs ! -, les fonctions et missions des équipes (leaders et collaborateurs) clairement définies, délimitées et accompagnées, et le temps de management intégré et exercé – trop souvent le temps de management est « escamoté », phagocyté par d’autres tâches. Prenons le temps. Celui de voir grandir ses équipes et de développer la co-responsabilité.